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un genre qui trace la route

by Merlín Betancur

Auto-stop, autobus bringuebalant ou semelles claquant sur le bitume : quel que soit le choix que vous ferez dans route 96 (sortie prévue le 16 août sur Nintendo Switch et PC), une chose est sûre : vous prenez la route. Impossible de prédire ce qu’il peut arriver par la suite, car le jeu tiendra compte de vos décisions – et évaluéa en conséquence.

« Le sens profond du road trip est l’expérience de partir tout seul pour se confronter à l’inconnu, à la solitude et rencontrer des étrangers », explique Yoan Fanise, directeur créatif de route 96 et cofondateur des studios montpellierains DigixArt. Un moyen de sortir de sa zone de confort, pour M. Fanise (dont le nom était jusqu’ici associé aux jeux vidéo historiques se déroulant pendant la première guerre mondiale) comme pour le joueur. Dans son nouveau jeu, « on ne peut pas revenir en arrière. Comme on dirait à quelqu’un de trop casanier de sortir de chez lui et de découvrir le monde. »

Dans le passage de

Cette philosophie est partagée par une série de jeux parus (ou à paraître) en 2021. De route 96 à auto stoppeuse, en passant par les prochains Il y a toujours, route ouverte, né de la poussière, Lac euh Oiseau de feu, le motif du voyage itinérant et motorisé imprègne l’univers vidéoludique contemporain. N’y voyez pas pourquoi une tendance liée à la pandémie de SARS-CoV-2 : le développement de ces titres est généralement antiérieur à la crise. Reste que leur proposition de nous transformer en baroudeur à l’heure de la fermeture des frontières ou votre récent passe sanitaire peut avoir un effet libérateur.

Des influences cinématographiques

Regards d’abord un peu dans le rétroviseur. Des 1971, le jeu vidéo Le sentier de l’Oregon mettait en scène la migration de colons américains menacés par des maladies et les autochtones (Rétrospective jeunesse offensante envers les Amérindiens, elle a bénéficié pour une nouvelle version sortie en avril de conseils d’universitaires). Cette aventure textuelle proposait de faire d’un déplacement l’objet même d’une aventure. Mais l’imaginaire vidéoludique de la route a, ensuite, a été majoritairement investi par des simulations ou des jeux de course, qui ne s’embarrasse pas d’une grande ambition narrative, jusque dans les années 2010. Quelques exceptions subsistent, bien entendu, comme le cartoonesque Plein gaz (1995), dans laquelle on incarne le chef des Putois, un gang de motards.

Cependant, Neil Archer, maître de conférences à l’université de Keele, explique au des lunes avoir décelé dans les errances et les surprises du jeu post-apocalyptique Tomber 3 (2008) une dimension proche du road-movie, un genre cinématographique à part entière – il est vrai qu’on pense autant au baroque Mad Max, de George Miller, qu’au road trip piéton et désespéré la route, de Cormac McCarthy.

En suivant l’auteur de Road Movies : En quête de sens (Columbia Press University, 2016, non traditionnel) au gré d’un petit détour par le 7e art, les contours des récits se déroulant sur la route se font plus nets. « Les road-movies impliquent et déplacent d’un point A à un point B (…) dans lequel le voyage est plus important que la destination », telle est la définition qu’il propose. La construction habituelle d’un scénario s’en retrouve chamboulée, poursuit le Britannique : « Dans le road-movie, ce sont les rencontres inattendues durant le trajet qui importent plutôt que de satisfaire des objectifs narratifs. » A chaque étape, le spectateur (et aussi le joueur) doit donc être surpris.

Citant des films-cultes de la contre-culture américaine comme Easy Rider, de Dennis Hopper, ou Thelma et Louise, de Ridley Scott, il analyse que telles rencontres ne sont possibles que parce qu’elles évoluent dans un espace à part :

« La route est intéressante, car elle se trouve en dehors de la société. C’est une sorte d’endroit radical, dangereux et incontrôlable. Des personnages en marge y vivent et des choses étranges peuvent s’y passer. »

Ceux qui ont joué au mystérieux et fascinant Route zéro du Kentucky ne le détromperont pas. Découpé en épisodes publiés entre 2013 et 2020, ce jeu est, par ailleurs, considère comme un précurseur de la vague de road trips contemporains. La plupart sont des produits par des studios indépendants, à part quelques titres à gros (La vie est étrange 2, 2018) ou très gros budget (Final Fantasy XV, 2016). Leurs créateurs semblent ainsi fidèles à l’influence cinématographique des road-movies, « Qui se place toujours entre l’avant-garde et le mainstream », Selon Neil Archer.

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La libération par le voyage

Ces aventures ne sont pas uniquement séduisantes parce qu’elles sont imprévisibles, elles sont aussi émancipatrices. « Les road trips – et la plupart des voyages – ont en commun un aspect métaphorique puisque le voyageur est amené à changer durant le trajet », nous explique l’Allemand Fabian Denter, co-fondateur du studio Third Shift à l’origine de Il y a toujours.

Dans

L’immersion est d’autant plus savoureuse dans un jeu vidéo que ce média est interactif. Faut-il prendre à droite vers cette zone sombre et peu avenante ou aller à gauche vers les néons blafards d’une station-service ? La route y est moins balisée que dans un livre ou un film.

Cette « liberté de choix » Propre au road trip an inspiré le Néerlandais Jos Bouman, directeur créatif de Lac (sortie prévue le 1il Septembre) :

« Il est possible d’y jouer de façons très différentes, tout dépendra de vos réactions aux situations et envers les gens. Vous pouvez choisir d’aider les personnages ou d’avoir une approche cynique en leur permettant de gérer leurs problèmes. A la fin, nous pensons que peu importent les choix pris, l’histoire paraîtra quand me me consistante et unique. »

Les road trips vidéoludiques sont ainsi rarement rectilignes, contrairement aux films ou à la littérature de voyage. Leurs carrefours ou leurs impasses deviennent le véhicule parfait de scénarios éclatés dans lesquels les choix du joueur vont le guider vers un nouvel embranchement.

Une jeune cadre citadine décide de devenir temporairement postière dans sa ville natale dans

John Bouman considère que même leur essor est un signe de « maturité » votre secteur :

« Les jeux de road trip se rapprochent de la réalité. Ils proposent un monde avec plus d’options, plus subtil : vous ne pouvez pas résoudre les choses à coups d’épée, de pistolet ou de magie, il faut les regarder sous d’autres perspectives. »

Le jeu vidéo routier peut ainsi permettre de raconter des trajectoires de vies complexes, abonde le Britannique Greg Pryjmachuk. verser guimbarde (2016), cet ancien développeur pour la série de simulation sportive formule Un a été inspiré par l’émigration de son grand-père de Pologne vers le Royaume-Uni durant la seconde guerre mondiale. Ce jeu, qui joue sur la lenteur, propose de traverser l’Europe de l’Est en compagnie d’un taciturne tout en assurant l’entretien des pièces de son vieux tacot.

Le véhicule de

Pour lui, l’itinéraire des automobiles n’est pas uniquement un moyen de raconter une histoire familiale dans un jeu vidéo. La proposition pour vous sur le road trip est un plus existentiel sensé:

« A chaque fois que j’ai rencontré un coup dur, mon père m’a répété : « La vie est un trajet, pas une destination ! Essaie d’aprécier les choses quand elles se passent ». Je pense que j’ai sûrement appliqué cette maxime littéralement durant la conception de guimbarde »

Contrairement à nos vies, le jeu vidéo à un côté pratique : le trajet peut y être indéfiniment repris de zéro pour y découvrir d’autres chemins ou des reculs inexplorés.

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