Même si le label « Suisse neutre » renforce la crédibilité du pays dans le monde, la Suisse ne peut pas toujours éviter de prendre position sur des questions sensibles de politique étrangère, écrit Pascale Baeriswyl, ambassadrice auprès de l’ONU.
Ce contenu a été publié le 18 mars 2021 – 15h00
L’avis de Pascale Baeriswyl, Zarah Schmidt
Lorsque le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a présenté ses priorités pour 2021 à la communauté internationale, son appel en faveur d’un retour au bon sens s’adressait particulièrement au Conseil de sécurité.
Sur une île comme Manhattan, où se réunissent les Nations Unies, on se rend compte de l’importance de l’élément de liaison qu’est un pont. Cela peut paraître rhétorique, mais la Suisse est en réalité capable de construire des ponts, au propre comme au figuré.
Plusieurs ponts de New York, dont le pont George Washington, portent la signature de l’architecte suisse Othmar Ammann. Et comme les chefs-d’œuvre d’Ammann, construire un pont diplomatique requiert de la compétence, des bases des deux côtés, du courage et de la confiance.
La neutralité suisse peut contribuer puissamment à construire les fondations métaphoriques des ponts diplomatiques.
«La Suisse peut exercer sa neutralité sans modification et pleinement au Conseil de sécurité.»
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Après tout, la neutralité fait partie intégrante de la culture suisse depuis le Congrès de Vienne de 1815, date à laquelle elle a été reconnue par les grandes puissances de l’époque. Elle fait partie du droit, de l’histoire et de la tradition de notre pays et joue un rôle important dans la mise en œuvre de la politique étrangère.
Toutefois, selon la Constitution fédérale, la neutralité n’est pas une fin en soi, mais plutôt un instrument permettant de représenter nos intérêts et nos valeurs.
Il jouit d’une grande approbation auprès de la population suisse. Selon une étude récente de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHlien externe), ses taux d’approbation atteignent 96 %.
Cependant, les opinions divergent considérablement sur le contenu spécifique. Lorsque la Suisse a présenté sa candidature à un siège au Conseil de sécurité en 2011, ces divergences ont donné lieu à des discussions animées et à des évaluations consciencieuses, résumées dans un Rapport au Parlementlien externe en 2015.
Le Conseil fédéral y déclare que la Suisse peut exercer pleinement et sans modification sa neutralité au Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité n’est pas partie au différend, mais joue plutôt le rôle d’arbitre. Leur rôle principal est de prévenir les conflits et d’encourager les différentes parties à résoudre les différends de manière pacifique.
Les objectifs que la Suisse souhaite atteindre avec sa politique de neutralité sont conformes au mandat du Conseil de sécurité et sont conformes à la neutralité. D’autres États neutres – comme l’Autriche, le Costa Rica et actuellement l’Irlande – proposent également régulièrement leurs services au Conseil de sécurité.
Dans l’environnement polarisé d’aujourd’hui, la neutralité constitue davantage un avantage qu’un obstacle. Dans certaines situations, la Suisse peut jouer un rôle crédible de bâtisseur de ponts.
Il convient également de noter que la population considère la solidarité comme l’aspect le plus important de la neutralité, comme le montre l’étude de l’ETH mentionnée ci-dessus. La solidarité est la base de notre tradition humanitaire séculaire, qui se reflète dans les organisations humanitaires de Genève.
Notre pays accueille également souvent des conférences de paix, offre de bons services ou joue un rôle de médiateur dans les conflits. La Suisse peut renforcer cet engagement en siégeant au Conseil de sécurité, car la fonction de solidarité inhérente à la neutralité est ancrée depuis longtemps au niveau international.
Depuis que la neutralité a été reconnue par le Congrès de Vienne, elle est considérée comme un service rendu à la communauté internationale et la marque « Suisse neutre » a depuis renforcé la crédibilité du pays dans le monde.
Toutefois, cela ne signifie pas que la Suisse puisse toujours, en raison de sa neutralité, s’abstenir de prendre position sur des questions sensibles de politique étrangère. La situation internationale tendue place notre pays dans des situations difficiles en matière de politique étrangère, non seulement au sein de l’ONU ou du Conseil de sécurité, mais aussi dans de nombreuses discussions bilatérales et multilatérales.
« La neutralité à elle seule ne garantit pas le succès de la consolidation de la paix. »
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La neutralité suisse peut-elle aider dans ce cas ? Ou au contraire : est-ce éthiquement justifiable, ce que nient souvent les voix critiques de la neutralité ?
La neutralité est aussi un outil politique ; son contenu en matière de droit de neutralité est défini dans des limites étroites. Et la politique de neutralité est une question de crédibilité.
Au sens moderne de la neutralité, la Suisse n’est pas neutre lorsqu’il s’agit de violations du droit international. Pendant de nombreuses années, elle a non seulement participé aux sanctions de l’ONU, mais a également partiellement adopté celles de l’UE. À l’avenir, le Conseil fédéral ne sera pas épargné par les considérations politiques qui doivent accompagner des décisions aussi délicates.
En tant que puissance économique mondiale, la Suisse a intérêt à promouvoir la stabilité et la sécurité internationales. La neutralité à elle seule ne garantit pas le succès de la consolidation de la paix. Notre pays a le potentiel de le faire si les bonnes opportunités se présentent.
Un siège au Conseil de sécurité offre des opportunités similaires à la Suisse. Cependant, il serait irréaliste et présomptueux de supposer que cela pourrait aboutir à une structure monumentale comme le pont George Washington.
En diplomatie, de petits gestes, des idées créatives ou des contributions innovantes peuvent parfois faire une grande différence. Cela est nécessaire dans la situation actuelle de tensions internationales.
Guidé par sa neutralité, notre pays peut contribuer à promouvoir le dialogue entre les membres du Conseil de sécurité et à mettre en avant les aspects communs ou du moins – comme le suggère le secrétaire général de l’ONU – à renforcer le bon sens.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de swissinfo.ch.
Dans une série d’articles, les auteurs invités s’expriment sur la justification éthique de la neutralité suisse. Voici les autres posts :
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