La Tribune – Vous êtes à Grenoble ce vendredi dans le nouveau bâtiment Intensity de Schneider Electric pour présenter une vingtaine de startups de votre Fondation Solar Impulse. Quel est votre partenariat avec Schneider Electric ?
Bertrand Picard La Fondation Solar Impulse est une fondation caritative à but non lucratif depuis 2004 (qui a changé de nom en 2016, ndlr), mais nous ne pouvons proposer nos services gratuitement que si des partenaires financiers, commerciaux, industriels et scientifiques nous soutiennent. .
Nous avons d’abord voulu montrer, notamment à travers le projet d’avion solaire, que les technologies propres et les énergies renouvelables permettent d’atteindre des objectifs a priori impossibles. Ensuite, nous sommes passés à la promotion de centaines et de centaines de solutions à la fois respectueuses de l’environnement et économiquement viables.
Pour cela nous avons une quinzaine de partenaires comme Schneider Electric qui nous donnent les moyens économiques de notre travail pour offrir gratuitement le label aux solutions qui le méritent. Notre budget annuel est de près de 3,5 millions d’euros.
Concernant les innovations déjà labellisées par votre fondation, vous avez d’abord évoqué l’objectif des 1 000 projets, aujourd’hui dépassé avec près de 1 300 projets labellisés. Quel nouvel objectif visez-vous maintenant ?
Maintenant, nous sommes même près de 1 400… Quand j’ai annoncé l’objectif de 1 000 projets, c’était un chiffre assez important et symbolique, ce qui montre que si nous atteignons ce chiffre, nous en aurons probablement assez.
Au début, beaucoup de gens m’ont dit que c’était impossible. Cependant, nous avons franchi cette étape le 13 avril 2021 et nous avons continué à recevoir des demandes de signalement depuis lors. Nous avons même développé une fonction de recherche sur notre site Web qui permet à chacun de trouver les solutions dont il a besoin et de mettre en évidence ces innovations.
Alors que la crise sanitaire a mis en lumière les enjeux de la décarbonation, qu’apporte réellement le label à ces startups ? Ces ambitions se concrétisent-elles vraiment par des contacts et des financements ?
Notre label est déjà un moyen de crédibiliser les projets présentés par les start-up, car bien souvent elles ont du mal à prouver la rentabilité de leur projet. Vous avez peut-être des produits écologiques exceptionnels et respectueux de l’environnement, mais il y aura toujours des gens qui vous diront que l’écologie coûte trop cher.
Ainsi nous certifions qu’un produit, une solution, est économiquement viable et en même temps préserve l’environnement. Cela facilite donc, comme démontré ce matin à Grenoble, la communication et la promotion de ces startups, leur accès aux marchés, le développement de partenariats, l’accès aux investisseurs…
D’autant plus que nous sommes là avec BNP Paribas u BNP Paribas et Rothschild & Co, deux fonds communs de placement pour soutenir ces excellentes entreprises.
On évoque souvent la question du financement ou de l’accès aux grands groupes pour ces startups qui veulent innover dans le domaine de la transition verte. Quels sont vos plus grands défis sur place ?
On voit bien que selon le stade de développement de ces startups, il peut s’agir de financement, mais aussi de crédibilité et d’accès aux marchés. Aujourd’hui pourtant, on constate que les barrières administratives sont l’un des principaux freins. Il existe des solutions exceptionnelles qui ne peuvent pas être utilisées car elles sont nouvelles et ne rentrent pas dans le cadre bureaucratique actuel…
Mais même dans le domaine des transitions, la réglementation peut parfois devenir un catalyseur ou un moteur d’innovation, comme on peut l’observer dans le monde de la construction ou de l’emballage par exemple, même si le chemin est encore long.
La réglementation doit bien entendu évoluer pour favoriser le recours à de nouvelles solutions. cette objectif politique est deviennent assez claires en ce qui concerne les questions de décarbonisation. Mais maintenant, comment y arriver ?
Les technologies sont là maintenant, les investisseurs s’y intéressent, les clients veulent les utiliser et malgré tout, nous émettons chaque année plus de CO2. Pourquoi ? Parce que nous sommes encore confrontés à trop de blocages réglementaires et administratifs, avec des administrations qui travaillent encore verticalement et en silos.
Or, pour rendre un bâtiment plus économe en énergie, il faut pouvoir à la fois défiscaliser l’investissement, délivrer les permis de construire, faire prendre en charge les rénovations par les paysagistes et ensuite valoir la peine pour les locataires par les économies d’énergie… Il faut donc avoir tout le monde et avoir affaire à quatre administrations différentes, ce qui rend les choses extrêmement compliquées.
La crise et vos plans de reconstruction et votre volonté politique, dont vous parlez, n’ont pas encore accéléré ou changé cet aspect ?
Ce qui a facilité la crise, c’est surtout l’accès à l’argent. Des milliards d’euros arrivent maintenant, canalisés aujourd’hui, de préférence dans des technologies modernes, plus propres, à faible émission de carbone, etc.
Par exemple, on espère en fait que dans le cadre de l’automobile, l’argent ne servira pas à poursuivre le développement de moteurs thermiques, mais à développer des moteurs électriques à batteries ou à hydrogène.
Vous avez évoqué la question des choix politiques, qui s’illustre bien dans le domaine de l’énergie nucléaire, qui est un sujet très en vogue en ce moment : Dans une récente interview à La Tribune, vous avez mentionné que ce n’est pas forcément une décision politique, mais surtout économiquement dans la question de l’atome ?
Je pense que c’est principalement le prix de la production d’électricité qui détermine les sources d’énergie que nous utiliserons. Mais pendant longtemps, des subventions ont été nécessaires pour l’énergie solaire et éolienne. Et maintenant, non seulement on en a plus besoin, mais on voit ces deux énergies devenir moins chères que le nucléaire, le gaz et le pétrole dans la plupart des pays… C’est un renversement de statut à part entière.
pourtant, Il faut aussi garder à l’esprit que la résistance croissante aux énergies renouvelables provient principalement d’associations de protection du paysage qui ne veulent pas voir fleurir d’éoliennes ou de champs solaires, ou qui élèvent des barrages. .
Mais on oublie qu’entretenir un paysage magnifique avec une hausse de température de 5 degrés est inhabitable, alors il faut quand même se fixer des priorités. Après la décarbonation, la protection du paysage doit désormais devenir un bien visible.
Cette conversion de la réglementation que vous avez mentionnée ci-dessus doit-elle être absolument nécessaire ? passer par l’Europe ?
Pas nécessairement, car la réglementation pourrait aussi être aujourd’hui plus énergie locale. Par exemple, il y a des pays où ce domaine est beaucoup plus privatisé, donc c’est plutôt l’affaire des États membres individuels.
Mais c’est un chantier énorme : plus j’essaie aussi de comprendre pourquoi on n’avance pas plus vite, plus je vois qu’on a des réglementations qui contredisent, contredisent ou n’autorisent pas quelque chose.
Aujourd’hui, la voiture électrique a vraiment du sens si, par exemple, elle peut stocker de l’énergie lorsqu’il y a beaucoup de soleil ou de vent et la réinjecter dans le réseau lorsque la demande atteint un pic. Cependant, cela est interdit, car dans la plupart des pays, le conducteur deviendrait alors producteur d’énergie et interviendrait dans les monopoles des énergéticiens. Et les règles ne le permettent pas.
Il en va de même pour une innovation qui permettrait d’éliminer 80% des particules toxiques dans les moteurs thermiques : vous êtes obligé de faire re-certifier le véhicule après avoir mis ce boîtier sur votre moteur. Il est donc clair que les gens ne le feront pas.
Parmi la vingtaine d’innovations présentées ici à Grenoble, laquelle vous semble la plus prometteuse ?
J’aime beaucoup les différents systèmes de gestion des déchets. Fabriquer des blocs de construction à partir de déchets ménagers compactés est encore exceptionnel. Il en va de même pour le recyclage à l’infini du PET proposé par Carbios.
Ce sont des innovations qui sont prêts à être commercialisés. Ils pourraient être utilisés littéralement n’importe où.
L’idée de la start-up Celcius Energy avec ses puits géothermiques est très intéressante car elle vient d’une compagnie pétrolière (un spin-off de Schlumberger, ndlr). C’est donc un parfait exemple de diversification industrielle.
Sans oublier le groupe Schneider Electric, qui montre comment un système intelligent de gestion de l’énergie basé sur les micro-réseaux est possible.
Et selon vous, quels premiers marchés feront la percée ?
Toutes ces solutions existent, sont disponibles et maintenant chacune doit pouvoir s’affirmer individuellement.
C’est ce que j’appelle la théorie du piranha : si l’un de ces spécimens vous attaque dans une rivière, il ne vous fera pas de mal. En revanche, si 1 400 piranhas arrivent d’un coup, vous serez réduit à l’état de squelette en 3 minutes…
C’est pareil avec ces solutions : une seule ne pourra pas changer grand-chose, mais les 1 400 solutions qui arriveront chacune sur son territoire grignoteront un peu de déchets, de carbone, d’énergie excédentaire, d’énergie, de tous les temps. Et dans l’ensemble, ils vont complètement changer le monde dans lequel nous vivons.
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