C’est un sentiment mêlé d’émerveillement et d’admiration de voir comment un auteur aussi prolifique que François Ozon (on parle d’un film par an, parfois même plus) peut difficilement rater une miette. Alors que son prochain film ouvrira la Berlinale dans environ deux semaines et seulement six mois après la sortie en salles du dernier « Summer ’85 » « Tout allait bien » sortira en salles, d’après le beau roman d’Emmanuèle Bernheim. Un film politique, si vous voulez un réquisitoire subtil et intelligent de la France et de tous ces États européens qui ne permettent pas à leurs citoyens de choisir eux-mêmes leur mort, la forçant à une épreuve insensée. C’est ce qui arrive à André, le père d’Emmanuèle âgé de 85 ans, hospitalisé après avoir été victime d’un AVC. Lorsqu’il se réveille déprimé et paralysé – et son corps aggravé par d’autres pathologies – cet homme, toujours curieux de tout et passionné par la vie, demande à sa fille de l’aider à mourir. Comment une telle demande peut-elle être accordée quand il s’agit de votre père ? C’est le dilemme moral qui bouleverse la vie d’Emmanuèle (et de sa sœur Pascale), mais la femme qui entretient depuis l’enfance une relation intense mais compliquée avec son père (le rapport entre les générations est l’un des grands thèmes d’Ozone), il décide de céder à son parent âgé et l’aider lors de son dernier voyage en Suisse.
Basé sur deux grands comédiens (une Sophie Marceau échevelée et très intense et un grand vieillard comme André Dussolier), Ozon raconte cette histoire précisément en partant du lien entre les deux, en examinant les zones d’ombre, les passages problématiques, les sensations flottantes, les dit et surtout le non-dit. Il évite ainsi de transformer le film en insulte voire en chantage, et ouvre le récit dans une dimension qui, comme la vie, se montre sous mille facettes. Comme il l’attend de ses meilleurs films, le réalisateur français passe sans cesse de la tendresse à la dureté, de la complicité à l’affrontement, de la douleur à l’ironie, du bonheur à la mélancolie, permettant aux personnages d’appréhender leurs propres faiblesses dans une Retravailler une nouvelle forme pour survivre. Ozone ouvre des aperçus du passé (avec quelques doux retours en arrière) pour revenir à un présent fait de petites grandes choses et une recherche du sens de l’existence qui ne finit jamais. C’est la grandeur d’un cinéma – le sien – qui sait rester toujours en phase avec les traumatismes et les problèmes non résolus de notre temps.
Direction: François Ozon; Interprète: Sophie Marceau, André Dussolier, Géraldine Pailhas, Charlotte Rampling ; Scénario: François Ozon; La photographie: Hicheme Alaouie; Assemblée: Laure Gardette; Scénographie : Emmanuel Duplay ; déguisements : Ursule Paredes. Distribution: Académie 2. France, 113′, 2021.
A Florence, il est dans ces chambres : Fiamma, Spazio Alfieri.
14 janvier 2022 | 16:23
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