La crise climatique menace la planète. Cela nécessite une politique qui dépasse les frontières et ignore les intérêts particuliers à court terme. Mais il n’y a aucun signe d’une politique climatique (étrangère) cohérente à Berne, estime Jürg Staudenmann, expert climat et environnement chez Alliance Sud.
Ce contenu a été publié le 25 novembre 2020 à 9h23
Personne ne peut nier que la politique climatique doit être transfrontalière. Mais à quel service le confier ? Au service environnemental (UVEK) responsable de la loi (révisée) sur le CO.2? Au Ministère fédéral des Affaires étrangères (AED), puisque l’accord de Paris sur le climat fixe des objectifs et des responsabilités ? Au Département des Affaires Économiques (DEFR), puisque la question climatique concerne essentiellement les entreprises et la recherche ? Le Département fédéral des finances (DFF) pourrait également être envisagé, car la place financière suisse dispose d’un puissant levier pour faire progresser la politique climatique.
Cependant, il est clair que l’aggravation de la crise climatique ne peut être résolue qu’avec une stratégie interministérielle qui se situe en dehors de la pensée et des modèles politiques actuels. Toutefois, il n’existe actuellement aucun signe en Suisse allant dans ce sens.
«La politique climatique suisse est arbitraire et incohérente.»
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Un problème central de la politique climatique suisse est la prise en compte arbitraire (intentionnelle) des frontières nationales. S’il est clair pour tous que les gaz à effet de serre n’ont pas de limites, les politiques, lorsqu’ils comptent les gaz à effet de serre, se concentrent uniquement sur les émissions nationales (voir encadré en fin d’article), mais entendent « compenser » les émissions de CO.2 à l’étranger dans le cadre de la nouvelle loi CO2. Et le débat sur les possibilités techniques du captage du CO est houleux2 et de « l’éliminer » à l’étranger.
La politique climatique suisse doit être aussi libre que possible et – c’est le véritable consensus politique que critique à juste titre le mouvement de grève pour le climat – ni remettre en question notre mode de vie nocif pour le climat ni assumer la responsabilité de l’empreinte climatique importante de la Suisse au-delà de ses frontières.
La majorité des fonds destinés à la politique climatique internationale sont actuellement mobilisés au niveau du ministère des Affaires étrangères, plus précisément du budget de l’Agence de développement et de coopération (DDC). Cette approche est de plus en plus en contradiction avec la mission principale de la DDC, à savoir la lutte contre la pauvreté et les inégalités au niveau local. La protection du climat mondial est sans aucun doute centrale et urgente, mais elle ne peut relever de la seule responsabilité de la DDC et peut être financée essentiellement par le budget du développement.
Les deux exemples suivants illustrent comment la Suisse poursuit sa politique climatique de manière incontrôlée et non coordonnée à l’extérieur de ses frontières.
Recherche industrielle financée par la DDC. La DDC participe à un projet de recherche du secteur privé et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne sur un ciment à faibles émissions (Ciment à faible teneur en carbonelien externe), fabriqué et testé en Inde, à Cuba, en Thaïlande, en Chine et au Brésil. On peut se demander si cela profite directement aux populations locales les plus pauvres.
Projets de développement à l’Office fédéral de l’environnement (BAFU). En juillet, l’OFEV fièrement annoncélien externe que 200 000 poêles seraient distribués au Pérou « pour réduire la consommation de bois de chauffage ». Le projet apporte un progrès pour ceux qui ne doivent plus mettre leur santé en danger dans des cuisines enfumées. Il sera difficile de vérifier dans quelle mesure cette initiative contribue à protéger les forêts et à réduire les émissions. La Suisse peut toutefois déduire un certain nombre de tonnes d’émissions de CO2 de son budget interne. Il est également surprenant que la DDC n’ait pas participé au projet.
La politique climatique suisse est arbitraire et incohérente, notamment en ce qui concerne ses objectifs et son impact au-delà des frontières nationales. De l’approche du financement au choix des instruments, les différentes agences fédérales promeuvent leurs programmes de manière très mal coordonnée et parfois avec un mélange de responsabilités. Les acteurs privés et politiques ainsi que les législateurs agissent de manière contradictoire et incohérente lors de l’élaboration de la nouvelle loi sur le CO.2.
Conclusion : une politique climatique globale, transfrontalière et interministérielle (étrangère) est nécessaire de toute urgence ! La Suisse doit indiquer les raisons et les moyens par lesquels elle souhaite réduire les émissions mondiales et promouvoir la résilience, directement ou par des intermédiaires (Fonds vert pour le climatlien externe, par exemple) et comment le principe de précaution et le principe du pollueur-payeur peuvent être respectés. Cela nécessite une répartition claire des rôles, basée sur les compétences et les capacités de la Confédération et du secteur privé, avec la participation de la science et de la société civile.
Bilan climatique mondial pour les entreprises et les États
La capacité de stockage de gaz à effet de serre supplémentaires dans l’atmosphère est limitée. Conformément aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, une évaluation complète des émissions de gaz à effet de serre d’un pays pourrait être basée sur les normes industrielles transnationales résumées dans le Protocole sur les gaz à effet de serre (GES). Cette méthodologie volontaire est basée sur des décomptes nationaux et comble les lacunes existantes dans les rapports internationaux sur le climat. Elle distingue trois « périmètres » d’émissions :
• Les émissions de scope 1 et de scope 2 incluent les gaz à effet de serre qu’une entreprise émet directement et indirectement (par exemple via l’énergie achetée).
• Les émissions de scope 3 prennent également en compte les émissions causées par les fournisseurs et la distribution, l’utilisation et l’élimination des produits de l’entreprise.
Appliqué aux États, cela signifie qu’en plus des émissions nationales, les émissions provenant de l’étranger dues à la production et au transport de biens de consommation et de services importés doivent également être incluses dans le budget (il s’agit d’émissions grises).
Dans le cadre du Périmètre 3, outre ces émissions « liées à la consommation », les émissions de gaz à effet de serre des multinationales suisses et de leurs fournisseurs hors frontières nationales devraient également être incluses dans le bilan. Cela concerne notamment les questions liées aux investissements effectués via la place financière suisse. Il faut savoir qu’elles sont 22 fois supérieures aux émissions nationales.
Une politique climatique nationale n’est responsable et globalement équitable que si elle se base sur l’empreinte carbone2 déterminé selon les zones marginales 2 et 3. Cela joue notamment un rôle important en définissant clairement le sens de termes couramment utilisés mais très imprécis tels que « net zéro » ou « neutre pour le climat ».
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Ce texte a été initialement publié sur le site d’Alliance Sud le 5 octobre 2020 Allemandlien externe et en Françaislien externe.
Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur. Ce n’est pas une position de swissinfo.ch.
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