Quelle que soit l’orientation sexuelle des personnes concernées, les nouvelles technologies de reproduction soulèvent des défis sociaux, politiques et éthiques. Qui peut y accéder ? Quelles techniques doivent être autorisées ou au contraire restreintes ? Autant d’interrogations qui ont alimenté le débat en Suisse, qui le 26 septembre 2021 a dit oui au mariage pour tous avec 64%.
>La Suisse dit oui au mariage pour tous, retrouvez notre correspondant Michel Cerutti.
La loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA) a créé un comité national d’éthique en médecine humaine pour examiner ces questions à mesure que la biotechnologie se développe et repousse les frontières de la reproduction humaine. Cette commission réunit des spécialistes juridiques et médicaux. Quelques députés ont eu la gentillesse d’aborder les principaux arguments des opposants au mariage pour tous, qui concentrent leur campagne prioritairement sur cet enjeu majeur du vote pour le mariage pour tous.
Une porte ouverte à la gestation pour autrui ?
En partant de ceci : L’accès au don de sperme pour les femmes lesbiennes ouvrirait la porte à la maternité de substitution (GPA), ou à avoir un enfant pour quelqu’un d’autre que vous-même. C’est l’argument du « plan incliné ». « Il est faux », répond Christine Clavien de l’Institut d’éthique, d’histoire et des sciences humaines de l’Université de Genève. « La GPA reste interdite à tous, quelle que soit l’orientation sexuelle, et le restera probablement longtemps : tant que ce débat n’est pas débattu au Parlement puis porté au référendum, beaucoup d’eau coulera sous les ponts. »
La gestation pour autrui pose des problèmes plus complexes que la procréation assistée, notamment parce qu’elle affecte la santé de mères porteuses parfois vulnérables.
Christine Clavien, Université de Genève
Christine Clavien estime que la Suisse n’est pas prête à trancher : « La GPA pose des problèmes plus complexes que la PMA, notamment parce qu’elle impacte la santé de mères porteuses parfois vulnérables. Comme pour le don d’organes, il peut être entièrement éthique, non coercitif et altruiste, ou à l’inverse, il peut être abusif. Nous devrons également avoir ce débat à l’avenir, qui concerne également non seulement les couples homosexuels, mais aussi les couples hétérosexuels et, finalement, la société dans son ensemble.
Quant au don de sperme, auquel un oui du 26 septembre élargirait l’accès, il s’agit d’une pratique réglementée par la loi sur la procréation médicalement assistée (PMA) de 1998, qui en son article 5 fixe les conditions pour que les couples mariés aient accès à cette pratique réservée. technologie : elle est conçue pour permettre de résoudre l’infertilité d’un couple lorsque les autres traitements ont échoué ou sont vains. Ou pour éliminer le risque de transmettre une maladie grave à la progéniture.
Une décision contraire à la loi ?
Autre argument entendu lors de la campagne : autoriser les couples de femmes à accéder à la PMA serait contraire à cette loi, car ces dernières ne peuvent être considérées comme infertiles. L’avocate Andrea Büchler, présidente de la Commission nationale d’éthique, trouve l’interprétation du texte trop étroite. Selon eux, un oui le 26 septembre ne nécessiterait pas une modification de l’article 5 de la LPMA : « La stérilité ne doit pas nécessairement être comprise d’un point de vue médical. Il peut s’agir d’une impossibilité sociale de procréer., remarque-t-elle.
Être homosexuel ne vous empêche pas d’aimer et de prendre soin de vos enfants.
Christine Clavien
La PMA équivaut-elle à la validation d’une certaine forme de droit à un enfant ? « Cette formule est un abus de langage. Il ne s’agit pas ici de donner un droit à l’enfant, mais de lui donner accès à une technologie. Cette technologie est un coup de pouce de la médecine pour pouvoir mener à bien un projet parental. Selon le principe d’égalité de traitement, les personnes qui ont un projet parental ne doivent pas être discriminées en raison d’un critère aussi dénué de sens que leur orientation sexuelle pour la réalisation de ce projet. Être homosexuel ne vous empêche pas d’aimer et de prendre soin de vos enfants., ajoute Christine Clavien.
En réservant la procréation assistée aux couples mariés et hétérosexuels, « l’État se positionne en promoteur d’un modèle familial particulier et ignore d’autres modèles pourtant socialement acceptés (couples homosexuels, couples non mariés) et dans lesquels les enfants se développent en harmonie », souligne le Commission nationale d’éthique en 2019, pour laquelle le don de sperme devrait être accessible non seulement aux couples de même sexe, mais aussi aux femmes non mariées et célibataires.
Quel impact sur la pratique de la procréation assistée en Suisse ?
Il existe 35 centres spécialisés en médecine de la reproduction en Suisse, dont près d’un tiers pratiquent le don de sperme. A ce jour, la Suisse compte 777 donneurs. Depuis 2001 et l’existence d’un registre des donneurs, la Suisse a enregistré 4’234 naissances après don de sperme. En Suisse romande, le centre de fertilité CPMA est la plus importante banque de sperme aux côtés du CHUV. Actuellement, le centre compte une cinquantaine de couples engagés dans une démarche de procréation assistée et peut compter sur le sperme d’une trentaine de donneurs.
J’ai demandé à une dizaine d’entre elles si elles étaient d’accord pour que leur sperme soit confié à des couples de femmes. Ils ont tous dit oui.
Daniel Wirthner, responsable de la banque de gamètes
Le directeur médical du CPMA, gynécologue et responsable de la banque de gamètes, Daniel Wirthner, prépare déjà ses donneurs : « J’ai demandé à une dizaine d’entre elles si elles étaient d’accord pour que leur sperme soit confié à des couples de femmes. Ils ont tous dit oui. Les donneurs sont souvent des hommes jeunes, plutôt ouverts. Quant à la requête, il ne se risque pas aux pronostics : « Nous parvenons à couvrir la demande actuelle. Cependant, je n’ai aucune idée si cela continuera à être le cas à l’avenir, ni même dans quelle mesure ils augmenteront, car nous ne savons pas combien de femmes en dehors de la Suisse subissent actuellement une procréation assistée. J’imagine que certains couples continueraient à partir à l’étranger car les lois y sont souvent plus libérales, par exemple en matière de sélection des donneurs.
Selon la loi suisse, seuls les centres de fécondation médicalement assistée peuvent avoir accès aux banques et choisir le donneur selon des critères médicaux : éliminer les risques de transmission de maladies pour la femme et les risques de maladies héréditaires pouvant affecter la santé de l’enfant. Cependant, le médecin qui procède à la fécondation sélectionne généralement un donneur dont les caractéristiques physiques sont similaires à celles du futur père.
Depuis la modification de la loi en 2001, le don de sperme n’est plus anonyme : un enfant né d’un don peut demander à connaître l’identité du donneur. Du moins s’il sait qu’il a été conçu ainsi. Car les parents ne sont pas obligés de révéler à l’enfant comment il a été conçu. En raison de la modification de la loi, il y a moins de donneurs en Suisse qu’à l’étranger. Pourtant, la levée de l’anonymat du don de sperme ne pose pas de grande difficulté, souligne Daniel Wirthner, puisqu’elle coïncide avec une baisse de la demande liée au développement des technologies de reproduction.
L’article original est disponible sur le site de notre partenaire Le Temps
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