«Le Roi de Belgique accueille les athlètes de retour des Jeux Olympiques. Vous lui donnez une explication à lire à haute voix. Il lance au micro : « Oh ! Oh! Oh! Oh! Oh! ». Un responsable lui murmure à l’oreille: « Non, Votre Majesté, ce sont les anneaux olympiques… ».
Les blagues françaises sur les Belges vous feront non seulement rire, mais vous captiveront également par leur sauvagerie. En plus d’être stupides, les Belges sont aussi considérés comme inexistants: Ombres perdues dans le brouillard, sous un ciel enfumé. Une victoire en demi-finale aujourd’hui serait une revanche historique pour eux et une immense parodie pour les autres. En fait, la peur se répand déjà parmi les supporters en chemise bleue qui débarquent à Saint-Pétersbourg.
Vue de France, la Belgique est un pays imaginaire, inventé après les guerres napoléoniennes pour créer un tampon gris entre les mondes latin et allemand.. Le coup de grâce a été donné par le plus grand poète français du XIXe siècle, qui s’est rendu en voyage de conférence là où les conférences étaient désertées et a pris une cruelle vengeance. « Pauvre Belgique » de Charles Baudelaire, publié à titre posthume en 1908, contient et sublime tous les clichés sur les pauvres Belges, « singes imitant les Français », qui prennent au sérieux leurs pires choses.
La Belgique comme parodie de la France, avec un regard lombrosien sur la « forme sombre, informe et bizarre du pin » de Bruxelles : « À tout âge, un Belge ressemble à un retraité »; « Un Belge est son enfer. » Depuis, quelque chose de nouveau s’est produit : Bruxelles est devenue la capitale de l’Europe et Paris se sent gouvernée par une ville ignorée ou considérée comme annexée pendant des siècles. D’où la frustration qui a remplacé le mépris. Ce n’est pas un hasard si ultras français et belges s’affrontent souvent (le 20 août 2009, les supporters d’Anderlecht ont enflammé Lyon à la veille du tour préliminaire de la Ligue des champions). En outre, les Flamands voulaient une loi interdisant l’usage de la langue française, parfois utilisée à des fins comiques : comme à Menin, juste à la frontière, où le bourgmestre a obligé les fonctionnaires à utiliser la langue des signes à la place de la langue de l’ennemi ; et quatre bourgmestres de la banlieue bruxelloise ont été destitués pour avoir imprimé des documents en français.
Il faut un peu comprendre les Belges. Si l’un d’eux réussissait, il se rendait généralement à Paris et la France l’annexait.. C’est ce qui s’est passé avec Jacques Brel, René Magritte, Claude Lévy Strauss, Marguérite Yourcenar et maintenant avec Amélie Nothomb, l’écrivaine qui revendique pourtant ses origines : « Être belge est une identité vague, mais essentielle pour moi. » Et si le Belge Georges Simenon a inventé l’inspecteur français Maigret, la grande Agatha Christie a donné vie au Belge Hercule Poirot.
La rivalité sportive est très ancienne, notamment parce que la Belgique est l’un des pays d’origine du football : elle fut l’un des premiers pays à accueillir un championnat national à la fin du XIXe siècle.et avaient de grands joueurs – Van Himst, qui élimina l’Italie au Championnat d’Europe de 1972, Gerets, Ceulemans, le renégat Scifo, qui dirigea pendant des années l’hôtel-restaurant « 1815 » dans le fatal Waterloo – et de grands gardiens: Munaron, qui brisa le score de Bettega genou, Preud’homme, le type aux cheveux longs qui entraîne désormais le Standard de Liège, Pfaff, le farceur qui animait le corner du Bayern Munich, ainsi que le cycliste le plus fort de tous les temps, Eddie Merckx, qui a remporté cinq tours et fait pleurer le pauvre Poulidor .
Le premier match France-Belgique a lieu en 1904 : les deux équipes nationales font leurs débuts ; ça s’est terminé 3-3. Le dernier match officiel a eu lieu en 1986, la triste finale de la Coupe du monde mexicaine., gagné 4-2 contre les Français ; Mais il y a trois ans, les Belges ont battu Paris 4-3 en amical, ce qui a incité Deschamps à changer la moitié de l’équipe. Le match à Saint-Pétersbourg sera le plus grand défi : notamment pour Hazard, qui a passé sept ans à Lille, Tielemans, qui joue pour Monaco, et Meunier, suspendu, ailier du PSG.
« On devient Belge quand on a beaucoup péché », écrivait Baudelaire. Mais aussi pour payer moins d’impôts : Gérard Depardieu l’a fait, en restant au village de Néchin et Hugues Taittinger, le seigneur du champagne. Même Johnny Hallyday a tenté l’expérience, qui avait un projet génial : devenir Belge et ensuite s’installer à Monte-Carlo (où, selon la vieille idée de De Gaulle, les Français sont les seuls à payer des impôts) ; Mais son ami Sarkozy l’a convaincu d’y renoncer.
Au 19e siècle, des gens franchissent la frontière, poursuivis par la police : Victor Hugo s’enfuit à deux reprises à Bruxelles, y publie « Les Misérables » et y est ramené deux fois.; Proudhon s’est également enfui en Belgique parce qu’il soupçonnait que des biens avaient été volés : une belle photo le montre assis entre des livres, avec ses petites filles sur ses genoux. Les visiteurs de l’exposition « Paris-Bruxelles » au Grand Palais, organisée par Anne Pingeot, l’épouse secrète de Mitterrand, ont pu la voir : une exposition à la hauteur de nombreux clichés. Les visages et paysages belges ont inspiré Rodin, Manet et Courbet. Félicien Rops, peintre né à Namur, modeste capitale de la Wallonie, connaissait mieux Paris que quiconque : « Dans cette ville diabolique, les idées sont toujours dans l’air, et il faut les saisir immédiatement, sinon elles se fâchent » et en ta tête, quelqu’un d’autre va» . Et les frites, fierté gauloise, ont en réalité été inventées à Namur, au XVIIe siècle, l’année où la Meuse a gelé et où l’on faisait frire des pommes de terre à la place du poisson. Cependant, Baudelaire ne penserait pas que la situation soit si mauvaise à Bruxelles s’il y passait deux ans ; jusqu’à ce qu’il soit retrouvé inconscient dans un cimetière et renvoyé dans son pays natal.
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